[Synthèse d’étude] De l’incivilité à l’agression, le retentissement psychique peut être majeur

Les comportements inappropriés en situation de travail recouvrent plusieurs formes et sont plus ou moins présents en fonction des situations de travail. Ces comportements font partie de ce que l’on nomme en France les « violences au travail ». Les employeurs ont l’obligation légale de prévenir tout risque qui viendrait altérer la santé, tant psychologique que physique ou sociale, de leurs salariés. Justement, la lutte contre les violences doit faire partie intégrante des démarches de prévention. A ce titre, on peut se demander si chaque forme de violence engendre les mêmes effets délétères pour la santé.

Une étude canadienne de 2023 analyse huit formes de violences qu’elle nomme des « abus » : incivilité, discrimination, harcèlement en général, harcèlement sexuel, intimidation, agression physique, leadership abusif, climat organisationnel tolérant ces abus.

Il est à préciser que le terme « d’abus » ne correspond pas au sens que l’on met derrière les termes de comportements inappropriés ou de violences en France. L’abus sous-entend l’idée qu’il y aurait un seuil de tolérance maximal, au-delà duquel le comportement deviendrait prohibé. Or, harceler sexuellement ou agresser physiquement un individu est intolérable et prohibé, quel que soit le degré ou le niveau du geste. Il s’agit donc simplement d’un écart culturel de sémantique entre le Canada et la France.

L’hypothèse des chercheurs consiste à penser qu’il existe un continuum : Selon eux, une agression physique devrait engendrer plus de dégâts sur la santé de la victime qu’une incivilité.

Quel design expérimental ?

Pour vérifier cette idée, les chercheurs ont réalisé une méta-analyse, rassemblant plusieurs études quantitatives réalisées entre 2000 et 2022, afin de comparer leurs résultats et leurs conclusions.

Qu'ont-ils découvert ?

Malgré quelques différences observées, les résultats de l’étude ne permettent pas de soutenir que les abus d’intensité élevée génèrent plus de conséquences dommageables pour la santé que les abus d’intensité moyenne ou faible. A titre d’exemple, l’incivilité, la discrimination et le leadership abusif engendrent davantage de stress (ou de détresse) que le harcèlement sexuel et l’agression physique.

Par conséquent, à partir du moment où une personne est sujette à un abus quel qu’il soit, on observe une dégradation de l’état de santé général. De plus, pour la majorité des abus, les conséquences négatives seraient plus importantes sur le versant psychologique que physique/somatique.

Boudrias, J.-S., Roberge, V., Sénéchal, C., Brunet, L. & Morin, D. (2023). Toutes les formes d’abus en milieu de travail ont-elles les mêmes incidences sur la santé des travailleurs ? Humain et Organisation7(2), 10–26.

https://doi.org/10.7202/1107903ar

Et concrètement, à quoi faut-il être vigilant ?

En tant que cabinet expert en prévention des risques psychosociaux, nous observons chez nos clients une tendance à dissocier les différentes formes de violences au travail, en fonction de leur caractère légalement répréhensible. Cela se traduit généralement par une distinction faite, dans les informations et les process, entre « comportements inappropriés » et « violences au travail ».

Ce que cette étude nous montre, c’est que du point de vue de l’impact psychologique, il n’y a pas de gradation significante. Ainsi, il s’agira de :

  • Ne pas prioriser les mesures de prévention en fonction de l’intensité ou de la gravité présumée d’un abus,
  • Ne pas sous-évaluer l’accompagnement requis pour une personne ayant été exposé à une situation « d’abus », a fortiori si l’on tient compte des différences individuelles (histoire personnelle, ressources externes, capacité de résilience…)
  • Mettre à disposition des salariés toutes les informations sur les signaux d’alerte et sur les relais internes et externes qui peuvent être mobilisés en cas de besoin.