Donner ou trouver du sens au travail ? Oui … mais quel sens ?
C’est le nouveau mantra du management : il faut donner du sens. Les salariés veulent du sens dans leur travail. Tout le monde se range derrière cette évidence alors que chacun donne un « sens » différent à ces trois mots ! Petit tour d’horizon lexical et managérial.
Montrer une direction : où va-t-on ?
Souvent, le premier réflexe du leader, qu’il soit dirigeant d’entreprise ou décideur des affaires publiques, quand il est confronté à un problème de mobilisation, d’adhésion ou d’engagement, c’est d’abord de chercher à mieux expliquer et justifier son action. Il essaie de décrire sa vision, de partager ses convictions et de clarifier ses intentions. Il veut être cohérent, clair et pédagogue. Montrer où il va, où il veut emmener son équipe et proposer des étapes ou des moyens. Bref, il montre une direction et pense ainsi avoir bien fait son travail. C’est nécessaire mais insuffisant.
Trouver une utilité collective : pourquoi et pour quoi ?
Donner ou trouver du sens au travail, c’est surtout nommer le bien commun que tous les membres d’une équipe partagent, une raison d’être, une intention, un projet ou des valeurs. Quel rôle spécifique l’entreprise veut-elle jouer ? Nul besoin d’être bâtisseur de cathédrale, aventurier magnifique ou champion extraordinaire. En revanche, savoir pourquoi et pour quoi nous sommes là ensemble chaque jour. Est-ce pour faire un bon produit, servir nos salariés, nos clients, nos parties prenantes, nos actionnaires, tout simplement pour vivre un truc ensemble ou pourquoi pas pour changer le monde ? La période récente marquée par les invitations à travailler sur la raison d’être de l’entreprise peuvent être une partie de la réponse.
L’ouvrier d’une usine automobile n’est pas porté par un niveau d’Ebida mais par la fierté de construire une belle voiture et d’expliquer à ses proches que ce losange ou ce lion, sur la calandre, c’est un peu lui. L’employé d’un groupe pharmaceutique sera plus motivé par l’utilité de son médicament que par un cours de bourse. Le banquier ne se lève pas le matin pour faire du reporting mais pour financer et servir des clients.
Montrer une utilité individuelle
Enfin, la réponse au besoin de sens ne sera complète que si chaque collaborateur sait en quoi il peut contribuer lui-même à ce bien commun, si en tant d’individu, il sait dire à quoi il sert. Est-ce par la qualité de son travail, les bonnes relations avec ses collègues, son implication ? Peu importe. A chacun de trouver ce qui fait sens dans sa vie professionnelle et dans son travail quotidien.
Deux facteurs-clés de succès
Parler de sens du travail nécessite une cohérence forte entre l’intention (ce qu’on veut faire), le discours (ce qu’on dit) et la réalité (ce qu’on fait).
Dans un cas, quand la vision, la stratégie, les comportements, la culture, les processus, les pratiques managériales sont alignés ou au moins cohérents, l’effet est très puissant et les bénéfices impressionnants. Dans l’autre cas, quand la raison d’être est percutée par une réalité différente, les effets sont délétères et se traduisent par des conflits de valeurs, de la démotivation, des colères.
Quelques exemples ? Quand, dans la fonction publique hospitalière, certains soignants ont le sentiment de perdre leur vocation première -le contact avec le malade- au profit de contraintes de gestion. Quand, un dirigeant demande des efforts important à ses salariés et s’octroie une augmentation de rémunération indécente. Quand un manager met l’humain au cœur de son discours et tolère dans ses équipes des cas de harcèlement ou de discrimination.
Le sens du travail a besoin d’être nourri au quotidien.
Le sens du travail se nourrit au quotidien. Chacun étant différent, le rôle de l’entreprise n’est pas tant de donner du sens que de permettre à chacun d’en trouver dans sa vie professionnelle. Il s’agit plus d’enrichir une démarche, nourrir une quête que de donner la becquée à des salariés consommateurs de sens.
Les bénéfices considérables du sens au travail
Dans toutes nos études sur la santé psychologique au travail, le sens du travail est le principal facteur de protection. Depuis les années 70, à la suite de Decy et Ryan, de nombreuses études ont été menées sur les conséquences du niveau d’auto-détermination. Il en ressort que les comportements intrinsèquement motivés (sens et plaisir) facilitent une meilleure créativité, une plus grande persévérance face à l’adversité et d’une meilleure concentration. Quand une activité professionnelle a du sens, l’efficacité des salariés est renforcée. Cela produit de la motivation, de l’engagement, de la fierté.
Nourrir le sens au travail est bien le moyen le plus économique pour produire du bien-être et de l’efficacité.