Droit à la déconnexion ? Maintenant place à la pratique !
Chose rare dans notre pays, voilà un sujet qui fait à peu près consensus : « le droit à la déconnexion »
Le rapport de Bruno Mettling sur l’impact du numérique sur le travail, a permis de partager un constat, de proposer des pistes d’actions possibles et a inspiré les travaux parlementaires. Le « droit à la déconnexion » est entré en application le 1er janvier dernier, encapsulé dans la loi Travail. La loi, peu contraignante, offre aux entreprises de plus de 50 salariés quelques principes de base comme le respect des temps de repos et de congés ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Maintenant que la déconnexion est devenue un droit, comment en faire une pratique ancrée dans le quotidien ?
On peut commencer par mettre en œuvre ce que propose cette loi : instaurer des instruments de régulation des usages numériques, intégrer le droit à la déconnexion dans la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie, ou encore en partager une charte sur les modalités du droit à la déconnexion.
C’est surtout à chaque entreprise d’encourager et d’inventer des pratiques individuelles ou collectives les plus adaptées à ses spécificités, ses métiers, ses équipes.
Notre collègue Christophe André nous rappelle que, pour être heureux et efficaces au travail, nous avons aussi besoin de calme, de continuité et de lenteur. Or, l’usage intensif et continu des messageries et des réseaux sociaux nous engage à travailler dans l’agitation, les interruptions et l’urgence. Cela affecte notre capacité de concentration, notre attention, notre lucidité, notre conscience du présent et même notre disponibilité pour les moments agréables. L’esprit « préoccupé », je ne sais plus hiérarchiser les problèmes ni leur accorder la juste importance, je ne vois plus les obstacles, je sais plus prendre le temps de savourer.
Voici quelques bonnes pratiques très simples que nous avons expérimentées :
- Bloquez 3 plages d’une demi-heure dans la journée pour traiter vos emails et vous en tenir à cela : 8:45-9:15 12:15-12:45, 17:30-18:00. Vous bénéficierez d’une attention plus soutenue pendant ces plages et une disponibilité plus grande en dehors. 80% des messages seront déjà obsolètes quand vous ouvrirez votre messagerie et ne nécessiteront plus d’actions de votre part.
- Déplacez-vous pour rencontrer votre collègue plutôt que lui envoyer un message électronique. « L’homme est un animal social » dit Aristote. Le lien social ne peut se limiter à une relation électronique.
- Paramétrez votre messagerie pour hiérarchiser vos messages. Ne traiter que ceux dont vous êtes le destinataire, ne pas réagir à ceux dont vous êtes seulement en copie. Évitez de « répondre à tous » quand ce n’est pas strictement nécessaire
- N’envoyez pas de messages professionnels après 20 heures ou avant 8 heures. Michelin ou Volkswagen ont mis en place des contrôles et des limitations d’accès à certaines heures. Mais dans la plupart des entreprises, c’est par des chartes ou le partage de bonnes pratiques qu’on progresse. L’exemplarité des managers et des dirigeants est aussi essentielle. Si vous travaillez en dehors de ces heures, planifiez vos envois en différé. Ne demandez pas ni lecture immédiate ni réponse urgente quand ce n’est pas strictement nécessaire.
- Enfin, instaurez des routines de déconnexion. Commencez une réunion en déconnectant les mobiles et les ordinateurs. Finissez votre journée de travail en prenant quelques minutes pour ne rien faire dans l’ascenseur, le métro, la rue ou la voiture.
Finalement, ce droit à la déconnexion questionne nos styles de vie et nos pratiques de management. Cessons de valoriser les professionnels pressés, agités, zappeurs, surinvestis et stressés. L’entreprise a besoin de collaborateurs concentrés, capables de travailler sur des plages de travail continues, de trouver des moments de calme et même de s’autoriser le droit à la lenteur.