Habiter le monde et lui être utile, le nouvel horizon de l’entreprise
Parce qu’elle se nourrit de son environnement et contribue à le façonner, l’entreprise ne peut plus vivre hors-sol. Pour réussir, elle a l’obligation d’être plus inclusive et d’avoir réellement un impact positif sur le monde.
Au-delà de ses bonnes intentions ou de la définition de sa raison d’être, l’engagement de l’entreprise dans la cité devient un levier nécessaire à son développement. Ses salariés, ses clients et la société dans son ensemble, challengent l’impact réel de son activité au niveau environnemental, économique, social et humain. Ils questionnent sa sincérité, sa cohérence et ses résultats concrets. Alors, comment passer de la bonne volonté aux résultats ? Je mets en partage trois idées : abolir les frontières, réussir l’entreprise inclusive et mesurer son impact.
Abolir les frontières entre l’entreprise et son environnement
L’entreprise peut-elle encore limiter son implication à ses clients, sa production ou à ses obligations légales en tant qu’employeur ? Evidemment non.
Beaucoup d’expériences ces dernières années ont déjà montré aux professionnels les bienfaits d’une vision élargie. L’entreprise étendue a fédéré des acteurs économiques (clients, sous-traitants…) pour la réalisation de projets communs. Les incubateurs ont tissé des liens entre grands groupes et startup. Les clusters ont réuni sur un même territoire, un écosystème, des compétences scientifiques et technologiques, des institutions et des moyens de financement. A côté des intégrations pures et simples, se sont développées des pratiques d’alliances et de partenariats. Enfin, les stratégies de développement durable ont développé l’écoute des « parties prenantes ».
L‘attention portée aux fragilités, aux territoires, aux périphéries, nous ouvre les yeux sur des situations qui impactent la vie, le quotidien et l’humeur des salariés. Chacun d’eux peut se retrouver en situation de vulnérabilité, d’être aidant pour des parents dépendants ou des proches handicapés, d’être confronté à la détresse sociale d’un travailleur pauvre ou d’un jeune en chômage. La porosité est forte entre la société et l’entreprise. Qu’on le choisisse ou le subisse- les frontières d’hier sont tombées.
Repenser l’entreprise inclusive : une façon de se transformer
Bienvenue à bord ! Beaucoup pensent que l’entreprise inclusive est celle qui sait accueillir des personnes en situation d’exclusion, de handicap ou issues de minorités sociales et ethniques. C’est vrai, et c’est souvent une première étape sur ce chemin vertueux de l’inclusion.
Mais, pour passer de cette logique de frontière (in – out) ou de comptabilité (quotas) à une inclusion réelle, il y a la nécessité de transformer nos préjugés, nos process et nos habitudes de management. Illustrons.
Guerres des talents ?
L’entreprise inclusive revisite des lubies managériales comme la guerre des talents. Le DRH serait un sélectionneur de champions, il ne devrait recruter que des profils rares, diplômés des meilleurs écoles, experts des technologies du moment, armés pour la compétition internationale. Résultat de cette paresse intellectuelle : nous créons nos propres pénuries « on n’arrive pas à recruter » et une inflation salariale sur les mêmes profils. Notre recrutement est mono-colore, reproduit des clones et amplifie les inégalités scolaires, sociales et géographiques.
A quoi servent nos politiques de formation sinon à offrir une employabilité tout au long de la vie ? A quoi sert une promesse de gestion des carrières sinon à donner à chacun une chance de réussir ? A quoi sert une stratégie de rémunération sinon à rémunérer les efforts de tous et corriger les inégalités et les incohérences ?
Coopération ou compétition ?
Alors que l’inclusion produit naturellement de la coopération; la compétition produit nécessairement de l’exclusion. C’est la raison pour laquelle des efforts dans le sens de l’entreprise inclusive permettent des progrès importants dans la coopération, beaucoup plus efficaces que toutes les injonctions « Maintenant, il faut coopérer ! ».
Pour réussir, il faut d’abord abandonner, parce qu’elles sont inefficaces, les pratiques qui ne se focalisent que sur le seul potentiel individuel des salariés (objectifs, évaluations, promotions et bonus individuels) ou celles qui encouragent la compétition interne entre salariés ou managers (performance comparée). La performance d’une entreprise est rarement le seul fruit de celle de ses champions. Plus souvent, c’est le fruit de la mobilisation de l’ensemble du corps social au service d’une mission, d’un projet, d’un objectif collectif. Au-delà de cette vigilance à ne pas produire d’exclus, l’entreprise inclusive invite les équipes à faire de l’inclusion un sujet de discussion, un enjeu collectif et un levier d’efficacité et de compétitivité.
Avoir un impact positif sur le monde
D’une intention charitable « Faire le bien » à une efficacité nécessaire « faire bien », l’entreprise responsable doit obtenir des résultats dans son engagement dans la cité, démontrer sa contribution à son écosystème et faire le lien entre son métier et son utilité au monde. Pour finir, je partage une citation issues d’une tribune d’Isabelle Kocher, Jean-Dominique Senard, Bertrand Badré et Denis Jacquet dans les Echos le 13 novembre 2018 : « Seules [les entreprises] qui auront à cœur de contribuer à réparer les fractures de notre société bénéficieront d’une croissance durable ».