La santé mentale : un incontournable pour les entreprises, mais pas seulement…
Notre approche du travail a évolué au fil des époques, à l’épreuve des mœurs et des changements de mentalité. Que ce soit en termes de sens, de valeur ou d’utilité, chacun a sa propre vision du sujet.
our certains, la question du bien-être au travail peut être perçue comme un effet de mode. Qui n’a pas déjà entendu que « le burn-out est juste une petite fatigue » ou que « les générations d’aujourd’hui n’ont pas le goût de l’effort » ? Il n’y a pas si longtemps, les termes « charge mentale » ou « droit à la déconnexion » n’existaient pas dans le langage courant, dans un monde où le travail primait sur tout. Les nouvelles générations sont venues bousculer cette mentalité.
Là où leurs parents pouvaient considérer leur emploi comme une fin en soi, avec ses contraintes inhérentes, les jeunes diplômés d’aujourd’hui attendent prioritairement de leur travail qu’il soit source d’épanouissement.
Comment expliquer ces différences de perception générationnelles ? Si nous remontons l’histoire du travail, nous pouvons trouver quelques éléments de réponse.
Bien-être et santé mentale au travail : un long cheminement historique…
Avec la Révolution Industrielle, différents modèles d'organisation du travail apparaissent (Fordisme, Taylorisme), visant prioritairement l'efficacité et la rentabilité. Autant de conceptions où l'humain est instrumentalisé au profit de la production. Des expériences scientifiques menées dès les années 1930, celle d’Elton Mayo et de la Western Electric Company, mettent cependant en évidence que la productivité des employés ne dépend pas que des conditions matérielles de travail. Elle dépend avant tout du climat psychologique et des relations interpersonnelles qui sont mises en place (considération, reconnaissance, cohésion du groupe…). Elton Mayo a démontré que la performance d’un salarié était optimale lorsque l’on tenait compte de ses besoins. Les employés d’une entreprise doivent donc être considérés non seulement comme des êtres économiques, mais aussi en fonction de leurs motivations liées à l'intérêt du travail.
C’est à ce moment qu’apparaissent les prémisses du lien entre santé mentale et conditions de travail.
Il a néanmoins fallu attendre l’apparition de nouvelles pathologies propres au travail (stress, burn-out) dans les années 70 pour que la notion de santé mentale au travail soit remise sur le devant de la scène. Pour les professionnels de santé, il n’y a pas de doute : le travail peut tout autant être vecteur de santé et d’épanouissement que source de souffrance, lorsque les conditions de travail sont dégradées. Cette reconnaissance du lien de causalité est un nouveau marqueur dans l’histoire de la santé mentale, mais pas suffisamment impactante pour changer les codes et préserver le salarié.
… jusqu’à trouver leur place dans les textes de lois
C’est à partir des années 2000 que les choses s’accélèrent avec l’apparition du terme « risques psycho-sociaux ». Le Code du Travail, garant de la sécurité des salariés dans le milieu professionnel, a évolué en inscrivant la notion de santé mentale. Désormais, l’entreprise se voit dans l’obligation juridique de prendre les « mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (Code du Travail, L 4121-1). En conséquence, elle se doit de mettre en place différentes actions en ce sens.
Dès 2008, Philippe Nasse et Patrick Légeron remettent à Xavier Bertrand, Ministre du Travail, un rapport sur « la détermination, la mesure et le suivi des risques psychosociaux au travail », complété par le rapport de Michel Gollac en 2011, précisant la définition et les grandes familles de RPS. S’ensuivent les Accords Nationaux Interprofessionnels (ANI) qui font suite à des évènements sociétaux marquants. La dramatique vague de suicides, touchant plusieurs grands groupes vers la fin des années 2000, entraîne ainsi un ANI sur le harcèlement et la violence au travail ; la crise sanitaire et le recours soudain et massif au télétravail provoquent un ANI sur le télétravail…
Ces actions de prévention visant à l’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie sont désormais considérées comme un prérequis par les collaborateurs ou futurs candidats, qui placent le bien-être au travail au même niveau que le salaire, voire même avant, dans la liste des raisons qui leur feraient accepter un emploi, décider d’y rester ou au contraire de le quitter.
La qualité de vie au travail devient dès lors plus qu’une obligation : c’est un véritable levier d’action en faveur de la productivité et de l’engagement.
Mais attention ! L’entreprise a une obligation de moyens renforcés, pas de résultats. Pourquoi ? D’une part, parce que malgré tous les efforts possiblement déployés, le « risque zéro » n’existe pas. D’autre part, car c’est aussi aux salariés de s’impliquer dans une démarche de prévention et de s’accorder du temps pour prendre soin de soi. En effet, aujourd’hui encore, nombreux sont les salariés qui ne sont pas attentifs à leur santé mentale (47% selon l’IFOP, 2023).
Entreprises et salariés : tous acteurs de la santé mentale
Ainsi, au-delà de l’encouragement propulsé par l’entreprise, il est essentiel de pouvoir s’autoriser, sans tabou, à agir pour préserver sa santé mentale. Cela commence par prendre le temps de s’écouter, d’identifier ses besoins et ses limites pour retrouver un certain confort. Seul, la mise en pratique de cet exercice peut être difficile. La démarche de demander de l’aide à des professionnels de santé n’est pas toujours aisée : il y a encore de nombreux préjugés à se faire accompagner par un psychologue. « Aller voir quelqu’un » ne signifie pourtant pas nécessairement avoir un problème d’ordre pathologique ou « être faible ». Nous avons tous besoin d’aide à un moment donné et il n’y a aucune honte à cela. La question est davantage d’accepter qu’on ne peut y arriver seul et qu’une aide extérieure peut aider à surmonter ses difficultés.
Prendre soin de sa santé mentale, c’est aussi se responsabiliser en osant solliciter les personnes dont c’est le métier.
L’entreprise a sans doute un rôle clé à jouer, en désacralisant et en facilitant l’accès au soin. C’est ce que la période des confinements successifs a pu révéler : les entreprises se sont saisies des dispositifs d’accompagnement psychologique à destination des salariés et les réticences à orienter les collaborateurs vers un psychologue ont assez vite disparu.
Le gros de la crise sanitaire est a priori derrière nous, mais cela ne doit pas pour autant mettre fin à ces bonnes habitudes. Continuons à rendre plus accessible et naturel l’accès aux soins puisque nous pouvons tous ressentir le besoin d’avoir cet espace bienveillant, neutre et objectif pour retrouver un mieux-être dans sa vie, professionnelle et/ou personnelle.
Consultante confirmée Stimulus
Psychologue clinicienne et consultante Stimulus