[Synthèse d’étude] Le rôle de l’organisation du travail et du leadership dans la prévention du harcèlement moral.

Zaitseva et Chaudat (2016) ont procédé à une analyse de plus de 450 articles de recherche portant sur les déterminants organisationnels du harcèlement moral. Cette méta-analyse met en évidence 5 catégories de déterminants qui augmentent significativement la probabilité de survenue d’un harcèlement moral : l’organisation du travail, le style de leadership, le climat social, le système de récompense et les changements organisationnels.

Parmi ces caractéristiques, certaines attirent notre attention en raison de leur prévalence relativement fréquente dans le monde du travail : l’ambiguïté/conflit de rôle, les inégalités de rémunération, l’insécurité de l’emploi / situations d’incertitude, la mise en place d’outils visant à mesurer la performance individuelle, la mise en place d’une nouvelle répartition du travail.

D’autres retiennent également notre attention en raison de leur présence quasi indissociable dans certains métiers ou secteurs d’activité : l’impossibilité d’interrompre le travail, une faible flexibilité du planning, une amplitude horaire importante, la pénibilité physique du travail, la précarité des emplois, le manque d’information permettant d’assurer la qualité du travail, une culture organisationnelle orientée vers la tâche.

Pour conclure, les auteurs insistent, tout d’abord, sur le poids de l’organisation du travail comme vecteur central du harcèlement. A ce titre, ils font l’éloge de modèle d’entreprise dites « libérées » pour s’affranchir de modalités de contrôle du travail inutiles. Les auteurs rappellent, ensuite, que le style de leadership constitue également un facteur important pour prévenir un harcèlement moral. Ils incitent à s’éloigner de deux modèles de management associés à une prévalence plus élevée de comportements conduisant au harcèlement : 1/ le style directif qui tend à instaurer des relations « dominant-dominé » et légitime un déséquilibre des pouvoirs, 2/ le style laisser-faire où l’inaction face au harcèlement contribue à son développement par phénomène d’acceptation.

Zaitseva, V., Chaudat, P. (2016). Les déterminants organisationnels du harcèlement moral : une analyse d’une revue actualisée de littérature. Management & Avenir, 84(2), 115–134.
https://doi.org/10.3917/mav.084.0115

Et concrètement, que peut-on tirer de cette étude ?

Nos pratiques d’interventions nous amènent à faire le constat que les déterminants organisationnels décrits par les auteurs sont généraux et non spécifiques au harcèlement moral. Les mesures de prévention, visant à améliorer l’organisation et les conditions de travail sont censées limiter le risque d’une organisation du travail pathogène.

Cependant, le risque n’étant pas nul, cet éclairage scientifique souligne l'importance des pratiques managériales dans la prévention du harcèlement moral :

  • Un style de management directif, a fortiori dans des environnements de travail où les déterminants cités ci-dessus sont à l’œuvre, peut contribuer au sentiment de perte d’autonomie et de manque d’écoute et de prise en compte des difficultés rencontrées - contribuant au maintien ou à la dégradation de la situation.
  • Ne rien faire, face aux difficultés ou aux situations de tension aboutira probablement également au maintien ou à la dégradation de la situation, engageant tout autant la responsabilité de l’employeur et des protagonistes.

Ainsi, les entreprises doivent être non seulement vigilantes à l’amélioration des conditions de travail, mais aussi à l’exercice d’un management favorisant un environnement de travail sain et respectueux.