[Synthèse d’étude] Une nécessaire actualisation des modèles de prévention du Risque PsychoSocial ?
Dans le champ de la prévention du RPS, deux modèles qui mettent en relation conditions de travail et indicateurs de santé sont couramment utilisés. Le premier (Siegrist) prédit le mal-être par un déséquilibre entre les efforts du salarié et la reconnaissance qu’il reçoit en retour. Le second (Karasek) met en avant le rôle modérateur de l’autonomie et du soutien social pour supporter une charge de travail élevée.
Quel protocole expérimental ?
Nicolas et al. (2016) ont questionné 175 salariés sur l’incidence potentielle des conditions de travail sur la santé. Plusieurs facteurs ont été mesurés tels que la quantité de travail, l’autonomie, le soutien social, le surinvestissement, l’exposition à des comportements hostiles, ainsi que leurs conséquences potentielles : symptômes dépressifs, sentiment de désespoir et d’épuisement, qui augmentent le risque suicidaire.
Qu'ont-ils découvert ?
Les résultats de l'étude confirment qu’un niveau élevé d’investissement dans le travail et de faibles récompenses sont étroitement liés à une augmentation significative des symptômes dépressifs. L’exposition aux comportements hostiles est également un facteur important dans l'apparition des symptômes dépressifs. Ces résultats confirment donc les modèles existants.
Mais l’étude met aussi en évidence des résultats inattendus. L’autonomie élevée est associée à une augmentation des symptômes dépressifs. De plus, le soutien social semble ne pas avoir d'effet modérateur sur les situations de mal-être. Ces résultats contredisent donc le modèle de Karasek. Les auteurs questionnent le rôle plus complexe de l'autonomie et du soutien social dans la préservation de la santé psychologique.
Nicolas, C., Desrumaux, P., Séguin, M. & Beauchamp, G. (2016). Environnement de travail, symptômes dépressifs et sentiment de désespoir : étude auprès de salariés. Le travail humain, 79, 125-146.
Et concrètement, que peut-on tirer de cette étude ?
Lors de nos interventions chez nos clients, nous observons, en effet, que le besoin d'autonomie varie selon les individus et les contextes de travail, l’autonomie élevée pouvant être tantôt protectrice, tantôt source de souffrance (sentiment de mise au placard, ou au contraire de surexposition). De même, le soutien social n'est pas reçu de façon homogène. Des propositions d’aide peuvent être parfois bien accueillies, ou au contraire mal perçues par des salariés surinvestis.
L’étude de Nicolas et al. (2016) souligne la nécessité d’affiner les modèles habituellement utilisés par les intervenants en prévention des RPS afin de mieux prédire les situations de travail qui ont une influence sur la santé des salariés ; car pouvoir prédire c’est pouvoir prévenir. Ces résultats soulignent aussi l'importance d'adopter une approche flexible et modulaire de l'accompagnement des personnes en difficulté. Il est, en effet, essentiel de développer des dispositifs de soutien qui tiennent compte des besoins de chaque salarié. Soyons collectivement vigilant, notamment dans les périodes de prise de poste, de changements organisationnels ou d’intensification de l’activité. C’est souvent là que l’autonomie peut s’avérer plus déstabilisante que protectrice.
Article rédigé par
Charles GALAND
Manager Senior
Olivia MICHEL
Consultante Junior