[Synthèse d’étude] Les limites des approches « pathologisantes » pour la compréhension de situations de harcèlement moral.

Poilpot-Rocaboy (2010) propose une revue de littérature sur le harcèlement psychologique, terme qu’elle préfère à celui de harcèlement moral, car il met mieux en lumière les retentissements psychologiques que ce phénomène occasionne.

Que dit cette revue ?

L’auteure décrit le harcèlement comme un processus impliquant une « cible » du harcèlement, un « initiateur » de comportements hostiles et un « contexte » de travail. Elle rappelle les déterminants identifiés dans certaines études, tout en soulignant les biais de cette approche. Ainsi, bien que les cibles présentent souvent certaines caractéristiques communes (faible estime de soi, haut niveau d’anxiété, personnalité introvertie…), définir un profil type de la victime de harcèlement peut sous-entendre que celles-ci attirent ces situations ou en sont responsables. De même, lister les caractéristiques des initiateurs d’agissements hostiles revient souvent à décrire le profil type d’un « pervers narcissique ». Les « contextes » décrits sont ceux d’une organisation défaillante, d’une entreprise malade, ou pire, d’une stratégie organisationnelle créant délibérément des situations propices au harcèlement.

L’auteure nous met en garde contre le risque d’une « psychologisation des relations de travail », qui pourrait fausser notre compréhension des situations et déresponsabiliser l’entreprise en réduisant ce phénomène à un simple dysfonctionnement des interactions professionnelles. En réalité, il est probable que les caractéristiques observées chez les « cibles » ne soient pas les causes du harcèlement, mais plutôt des conséquences. De même, les traits communs des « initiateurs » de harcèlement pourraient être le résultat de contextes organisationnels et/ou de rôles attribués à des personnes en responsabilité.

Poilpot-Rocaboy, G. (2010). Comprendre la violence au travail : le cas du harcèlement psychologique. Humanisme et Entreprise, 296, 9-24.

https://doi.org/10.3917/hume.296.0009

Et concrètement, à quoi faut-il être vigilant ?

Dans nos interventions auprès de nos clients, nous constatons que le harcèlement est un phénomène complexe nécessitant une approche systémique. Comme le rappelle justement Poilpot-Rocaboy, le harcèlement est le résultat d’une construction sociale. Il est donc important d’examiner le rôle de chaque partie prenante, y compris celles dont l’action est indirecte et moins visible : les témoins de comportements hostiles, les donneurs d’ordre dont les directives génèrent des tensions relationnelles, les rapports de force internes et les mécanismes contribuant à l’équilibre des pouvoirs. C’est par l’examen méthodique des agissements des protagonistes, des témoins, des représentants de l’entreprise, ainsi que des contraintes imposées par l’organisation de travail, que nous progressons dans la compréhension du processus de harcèlement et, par voie de conséquence, dans sa prévention.